L’amitié

Réflexion sur l'amitié

Qu’est-ce que l’amitié ? Comment devient-on amis avec quelqu’un ? Comment entretenir une amitié ?

L’amitié peut naître de différentes manières, mais elle commence par une rencontre entre deux personnes.

Deux personnes avec des histoires, des personnalités et des temporalités différentes se croisent et interagissent pour une raison aléatoire. Quels sont les éléments qui vous ont attiré vers vos amitiés préférées au départ ? 

Lors des GEHS (Groupes d’Entraînement aux Habiletés Sociales) avec enfants porteurs de TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme), on peut être amené à expliquer ce qu’est un ami, comment devenir ami et surtout, comment entretenir une amitié. Ces questionnements obligent à s’interroger sur ce qui nourrit le rapport que l’on a à l’autre. 

Bien que nous ayons tous des raisons différentes d’être amis les uns avec les autres, certains aspects semblent universels. Nous apprenons certaines compétences en interagissant avec les autres dans notre vie quotidienne, comme se faire des amis et les garder. Les enfants avec TSA peuvent avoir des difficultés à apprendre ces compétences intuitivement. Il faut pouvoir leur expliquer de manière plus directe et explicite, en utilisant des images, des schémas et des exercices pratiques. 

Alors, que leur a-t-on dit sur l’amitié durant la séance ? L’amitié est une relation entre deux personnes qui s’aiment bien, se font confiance et partagent des moments de complicité. C’est lorsque l’on trouve quelqu’un que l’on apprécie beaucoup et avec qui l’on passe de bons moments. C’est un peu comme avec un copain ou une copine, mais en mieux, car on se comprend très bien et on peut parler de tout avec cette personne. On s’amuse ensemble, on se confie des secrets et on se soutient quand on en a besoin. L’amitié est importante, car elle rend la vie plus belle et plus amusante ! 

Avec ces enfants, après avoir exploré les différents aspects de l’amitié, on a pu se demander :

est-ce que quelqu’un peut m’appartenir ? Est-ce qu’on peut prêter un ami ? 

La réponse la plus évidente est non. Une personne ne peut pas appartenir à une autre personne. Les êtres humains ne sont pas des objets qui peuvent être possédés. De même, un ami ne peut pas être prêté comme un objet ou une chose matérielle. Les amitiés sont des relations basées sur la confiance, le respect mutuel et l’affection, et elles ne peuvent pas être traitées de la même manière que des objets matériels. 

“Alors, comment être sûr à 100% de garder une amitié ?”

Bonne question, M., 8 ans et demi. Lorsque l’on interroge une intelligence artificielle de type ChatGPT, elle nous répond qu’il n’y a malheureusement aucune garantie à 100% de pouvoir conserver une amitié ou un ami, car les relations humaines sont complexes et peuvent évoluer avec le temps. Pour les enfants du GEHS, il est difficile d’entendre ce genre d’arguments, la tolérance à l’ambiguïté et à l’incertitude, ainsi que la capacité à gérer des situations complexes et changeantes n’étant pas leur domaine de prédilection. Cependant, c’est plutôt vrai et c’est aussi ce qui rend les relations humaines si uniques et précieuses. Les amitiés peuvent évoluer, grandir et changer avec le temps, et c’est ce qui les rend si enrichissantes et passionnantes.

Constat d’échec, même en leur proposant des ingrédients précis pour élaborer leur recette de l’amitié tels que : l’honnêteté, le respect, l’écoute, la communication, la solidarité et le pardon, on ne peut pas garantir le succès de ce philtre d’amitié. Même en étant super avec quelqu’un, cela ne suffit pas à devenir ami, surtout si l’on considère que l’amitié doit être mutuelle ou pas trop asymétrique.

L’amitié est un concept familier à tous qui touche à d’autres notions importantes telles que la solitude, l’isolement et le besoin de se sentir compris et soutenu. Chaque amitié est unique, il faut la chérir et l’entretenir si on y tient. 

En outre, les amitiés sont importantes pour les enfants, mais aussi pour les adultes qu’ils deviendront. Par exemple, une étude menée en 2012 par des chercheurs de l’Université de Californie à Los Angeles* a montré que passer plus de temps avec ses amis pendant l’adolescence peut aider à se protéger contre les rejets sociaux potentiellement rencontrés dans le futur. Lors de cette étude, les adolescents qui avaient développé des amitiés proches ont montré moins de réactions émotionnelles négatives dans des régions du cerveau associées à la douleur sociale deux ans plus tard, lorsque des situations de rejet social leur ont été présentées. En d’autres termes, cela suggère que les amitiés peuvent aider à protéger les adolescents contre les conséquences négatives du rejet social et que cette protection peut avoir des effets bénéfiques à long terme. 

Bien entendu, il ne faut pas baser tout notre raisonnement sur une étude, aussi sérieuse soit-elle. Attention au biais de confirmation ! Cette étude est citée à titre illustratif et indicatif. Les références se trouvent en bas de page.

En conclusion, il n’est pas possible d’expliquer de manière exhaustive et universelle les bénéfices d’une amitié sincère car le ressenti est forcément subjectif. Bien que ce sujet puisse sembler banal, il peut engendrer de nombreuses réflexions et discussions. Avez-vous des enfants ? Ont-ils des amis ? Arrivent-ils à les conserver après un déménagement ? Comment pouvez-vous les aider dans ce type de défi ? 

Et en tant qu’adulte, pouvez-vous dire que vous avez des amis ? Si oui, combien en avez-vous ? À quel moment avez-vous su que vous étiez devenus de véritables amis et non pas simplement des voisins, des collègues, des camarades de sport ou des connaissances que l’on décrit comme « les parents des amis de mes enfants (“nos enfants vont à la même école, on se voyait matin et soir, hinhinhin ») ? Quels ont été les moments forts et les moments clés qui ont permis de transformer cette relation en une véritable amitié ?

A bientôt !

* (Carrie L. Masten, Eva H. Telzer, Andrew J. Fuligni, Matthew D. Lieberman, and Naomi I. Eisenberger (2012). Time spent with friends in adolescence relates to less neural sensitivity to later peer rejection. University of California, Los Angeles, USA)